Concept artist, un métier d’avenir encore méconnu !

Entretien avec Alain Bernhard, concept artist et enseignant à l’École Jean Trubert

Parmi les voies qui s’ouvrent aux dessinateurs en herbe, le Concept Art fait partie des nouveaux métiers de plus en plus recherchés dans le milieu du Jeu vidéo, du Cinéma et de la Télévision.

Mais qu’est-ce que le concept art ? Pourquoi ce métier aux multiples facettes peut-il s’avérer particulièrement épanouissant pour un jeune créatif ?

Alain Bernhard fait partie des précurseurs dans cette profession et transmet désormais son savoir-faire aux élèves de l’École supérieure d’Arts Graphiques Jean Trubert. Il nous éclaire sur ce métier passionnant encore méconnu des jeunes dessinateurs qui souhaitent réaliser une carrière artistique.

Dans l’univers du dessin, les métiers d’illustrateur ou dessinateur de bande dessinée sont plus ou moins connus. Mais la profession de « concept artist » reste assez floue…

Alain Bernhard. C’est vrai, il est méconnu et pourtant c’est un très beau métier, vraiment intéressant pour des jeunes qui dessinent et souhaitent vivre de leur art.

Comment décririez-vous le métier de concept artist à un futur étudiant qui s’interroge sur cette profession ?

AB – Le métier de concept artist – ou artiste concepteur en français – est utilisé actuellement dans le jeu vidéo et le cinéma. C’est l’artiste qui va mettre en œuvre visuellement un scénario ou un texte en amont d’une production. On lui propose un scénario, une charte graphique par écrit et il va commencer à créer tout l’univers du jeu ou du film : les personnages, les vêtements, les véhicules, l’architecture. C’est un métier de plus en plus demandé par exemple dans les domaines de la science-fiction, du fantastique, ou encore des jeux et films historiques.

C’est lui qui crée tout l’univers graphique en quelque sorte ?

AB – Oui il crée tout en amont. C’est pour cela que le métier est très intéressant. En même temps, c’est un peu un travailleur de l’ombre : il n’est pas connu alors que c’est lui qui pose le 1er jet graphique sur le projet et ce sont ses croquis qui serviront pour la 3D. Les artistes 3D, les modeleurs et les animateurs des personnages se baseront sur ces derniers.

Lorsque vous avez démarré, vous connaissiez ce métier ?

AB – Non, pas vraiment. A l’époque, au début des années 2000, ce n’était pas connu mais j’ai travaillé sous la direction d’un très bon directeur artistique, un ancien designer industriel qui était concept artist et créait tout en amont.. Pour ma part j’ai appris avec l’expérience. Après avoir enseigné l’Illustration et l’Aérographie dans un cours privé, je suis devenu textureur au sein d’une grande entreprise de jeux vidéo : je créais les motifs sur les véhicules, les personnages, l’habillement, la végétation… Tous les motifs couleurs que l’on voit dans un jeu et qui sont plaqués sur des objets 3D.  Ensuite, je suis devenu concept artist.

Sur quel type de projets avez-vous travaillé en tant que concept artist ?

J’ai travaillé sur des créations très diverses dans l’univers du Jeu Vidéo, notamment un jeu de Formule 1, l’univers naturel du jeu Rayman 3, Ryzom, un jeu massivement multi-joueurs en réseau mondial et I’am Alive, un jeu catastrophe de survie dans un Chicago détruit par un tremblement de terre… entre autres. Mais l’on me propose également des projets pour des courts métrages cinéma et des séries TV.

Selon vous, quelles sont les compétences techniques et artistiques à acquérir pour être un bon concept artist ?

AB – Je dirais qu’il faut avant tout savoir très bien dessiner, être polyvalent sur tous les thèmes, avoir le sens de la composition et de la mise en scène, une bonne visualisation dans l’espace et enfin posséder une bonne culture artistique ainsi qu’une mémoire visuelle aiguisée.

Il est important également de maîtriser les différentes techniques : le noir et blanc, la couleur, la peinture, le crayon, le feutre et bien sûr Photoshop. C’est pourquoi l’enseignement à l’École Jean Trubert est particulièrement bien établi : on y apprend toutes les techniques traditionnelles de dessin avant d’aborder les outils numériques et les différents logiciels pour se diriger vers la professionnalisation.

Justement, si l’on souhaite se former à ce métier à l’École Jean Trubert, faut-il avoir déjà un bagage artistique ?

AB – Dans l’idéal, il faut passer par la classe préparatoire de l’École. Elle permet aux élèves d’apprendre toutes les techniques de base avant d’approfondir ensuite la formation avec les outils numériques.

Quelles autres qualités vous semblent indispensables pour évoluer ensuite sur le marché du travail ?

AB – Il faut savoir bien communiquer avec les différents intervenants d’un projet car il y a plusieurs corps de métier, notamment la programmation et l’animation. Il est important d’être bien compris et d’avoir suffisamment d’assurance pour donner des directives claires et défendre son travail.

Une deuxième qualité indispensable est de savoir bien gérer son temps car les délais sont souvent réduits. On doit être capable de prendre des décisions graphiques rapidement et de prioriser les idées principales du projet.
C’est en cela que nous préparons nos élèves au monde professionnel. Il y a les apprentissages techniques, mais ils bénéficient surtout de notre expérience sur le terrain. Nous essayons de leur donner ce sens des priorités et le goût du travail, de les mettre en situation.

Pour résumer le Concept Art, j’ai une devise personnelle : « mieux vaut toujours en faire plus que pas assez », c’est à dire avoir beaucoup d’idées créatives tout en ayant conscience que toutes ne seront pas retenues.
Enfin, la pratique de l’anglais est vraiment un atout si l’on veut travailler sur des productions internationales.

Qu’est-ce qui fait selon vous l’intérêt et la spécificité du cursus Concept Art à l’École Jean Trubert ?

AB – Il existe peu ou pas d’autres écoles qui enseignent le Concept Art à Paris dans cet ordre d’apprentissage avec cette approche par la 2D. A l’École Jean Trubert, on acquiert toutes les bases traditionnelles de dessin en classe préparatoire au départ pour pouvoir ensuite passer à la professionnalisation et au numérique. Tout l’enseignement est proposé dans le bon ordre.
Alors que dans d’autres formations et écoles, on ne propose que de l’enseignement 3D en guise d’approche du jeu vidéo. Certaines privilégient le numérique alors que les élèves n’ont pas les bases et c’est une catastrophe.
Sur Photoshop, si vous ne savez pas dessiner, rien de bon n’en sortira car c’est vous qui choisissez les bons outils au bon moment, les couleurs etc.
En cela l’École Jean Trubert propose un enseignement structuré et prépare vraiment les élèves à la professionnalisation.

Qu’est-ce qui vous rend particulièrement fier en tant qu’enseignant, à la fin d’un cursus en Concept Art ?

AB – Si un élève travaille bien, il peut sortir de l’École Jean Trubert avec un niveau élevé et trouver du travail en tant que Concept Artist grâce à un book artistique solide et convaincant. Cette année j’ai été particulièrement heureux à la remise des diplômes puisque plusieurs élèves de 3ème année ont trouvé des stages de fin d’études dans le Jeu Vidéo et ce, pour travailler exclusivement sur la partie Concept Art.

Propos recueillis par Marie Pouliquen.